Battle of the spurs, august 16th of 1513

Le combat de Guinegatte, le 16 août 1513, selon Symphorien Champier.

The battle of Guinegatte (or Therouanne), the 16th of august 1513, according of Symphorien Champier.

La journée des éperons / the battle of the Spurs 

Du temps que le Roy Henry d’Angleterre vint bouter le siège devant la cité de Thérouenne, que les antiques appelaient Morini, ainsi que ceux de Tournay furent appelés Nervii, le Roy Louis de France, XII de ce nom (…) se fit porter à Amiens en Picardie, pour secourir Therouenne, laquelle était assiégée par ledit Roy anglais et mena avec lui une grosse armée, laquelle était suffisante de chasser les Anglais, si le Roy eut été sain et qu’il eut pu porter les armes ; mais il était si pressé de maladie, qu’il ne pouvait bonnement donner ordre en ses affaires, et à l’heure avait guerre contre Maximilien Empereur, contre le Roy Ferrand d’Espagne, et contre les Suisses, qui en un même temps avec bien quarante mille Suisses, vinrent bouter le siège devant la ville de Dijon en Bourgogne, lesquels s’en allèrent quasi miraculeusement par belles paroles et gracieuses. (…) 

Or advint qu’après longtemps, que le siège avait été devant Therouenne, que les vivres leurs défaillirent et les voulait avitailler, fut tenu le conseil entre les capitaines français. Les uns disaient que de nuit on devait avitailler Therouenne, avec cinq cents hommes d’armes. Les autres disaient qu’il en fallait bien dix-huit cents. lors dit le noble Bayard : « Seigneur, je trouve bien difficile les avitailler, vu que le siège est devant, sans combattre, et lever le siège à force d’armes ; par quoi nécessairement, si les voulez avitailler, faut avec toute l’armée marcher près des ennemis et, s’ils viennent contre nous, nous défendre vertueusement ; et si le Roy ne veut ainsi aventurer en son royaume ses gens ni son armée, je suis d’avis mander à ceux de Therouenne, faire composition honnête avec le Roy d’Angleterre. » (…)

Lors furent armés et accoutrés de quinze à dix huit cents hommes d’armes bien choisis, et se mirent en chemin vers Therouenne ; mais nos ennemis incontinent surent nôtre entreprise, par espions et autres qui pouvaient être parmi les nôtres ; si prirent mille hommes d’armes, la plupart Haynoyers et Flamands ou Brabansons ; et bien dix milles hommes de pied, dont une partie était d’Anglais, l’autre lansquenets, que l’empereur Maximilien avait amenés, si marchèrent en ordre moult bien contre les nôtres. Alors monsieur le maréchal de Chabannes, que pour lors on nommait monsieur de La Palisse, et autres capitaines, envoyèrent cinq cent hommes d’armes devant, pour avant-garde, savoir s’ils verraient rien. Et de l’autre part, envoyèrent aucuns chevaux légers, pour découvrir ; mais l’avant-garde trouva plutôt les ennemis que ne firent les chevaux légers, pour ce que les ennemis étaient de leur côté. Quand notre avant-garde vit et rencontra dix mille homems de pied, avec leurs piques et haquebutes, si furent moult ébahis, tirèrent de plein assaut haquebutiers contre gens d’armes, toujours marchant en armes. Nos chevaux légers qui venaient de l’autre côté, virent cette bande de gens de pied, et d’un autre côté, en un petit bois, virent trois ou quatre cents hommes d’armes. Alors prirent à fuir grosse course. Quand nôtre avant-garde qui avait vu déjà les gens de pied, virent ainsi fuir nos avant-coureurs comme gens perdus, se prirent à reculer, mais les Hainoyers qui n’étaient que trois ou quatre cents chevaux, virent nos gens reculer si tôt, alors sortirent du bois sur les Français. Quand les nôtres les virent, pensant que toute l’armée des Anglais fût là auprès, prirent à fuir sans raison, car ils n’eussent fait semblant de fuir, et qu’ils eussent tenu bon, tous ces Haynoyers étaient défaits. Quant ceux qui étaient en notre bataille et arrière-garde, virent l’avant-garde ainsi fuir et les rompre se prirent à fuir. Monsieur de La Palisse et le noble Bayard moult ébahis, si tous deux à haute voix criaient : « Arrêtez-vous, gendarmes, arrêtez-vous ; ce n’est rien. » Mais nonobstant ce, fuirent plus fort et ne fut oncques en leur puissance en faire arrêter un. Mais qui fut pis, tous ceux qui étaient avec monsieur de La Palisse, prirent la fuite, et le bon seigneur demeura tout seul, lequel fut prisonnier de deux gentilshommes haynoyers, desquels il se défit un temps après malgré eux, et échappa de leurs mains, comme s’il eût été un Hercule ou Hector troyen. Le noble Bayard qui toujours allait ça et là, pour arrêter ses gendarmes, et en voulant les arrêter, se retira auprès d’une grosse haie et buisson, bien dolent et déplaisant d’un si grand désordre, et s’il eût voulu, facilement se pouvait sauver ; mais considérant qu’il serait grosse honte de ainsi fuir, s’arrêta jusque les ennemis furent venus une grosse bande, si vinrent sur lui. (…)