Voici une relation du siège de Saverne, en Alsace, d'après les mémoires de Henri Campion (lieutenant au régiment de Normandie) :
Here is an account of the siege of Saverne, in Alsace, 1636, according to Hanri Campion, who was lieutenant in the Normandy regiment :
« Nous poursuivîmes ensuite notre route sans aucun accident, et conduisîmes douze cents hommes au régiment de Normandie, qui avait ses quartiers d’hivers aux environs de Sens. Le cardinal de la Valette l’ayant demandé pour servir sous ses ordres, il marcha en Lorraine, où était le rendez-vous des troupes. Quant au cardinal, il se trouvait déjà en Alsace avec un corps d’infanterie et quelqu’infanterie, pour empêcher, conjointement avec le duc de Weimar, le général Galas, qui avait ses quartiers à la rive droite du Rhin, de pénétrer en Alsace et de rien entreprendre contre les villes de Colmar, Schelestat, Benfeld et Haguenau. Ces deux généraux attendaient le reste de leurs troupes pour attaquer Saverne, dont on a dit que Galas s’était emparé à la fin de la campagne précédente.
Le vicomte de Turenne, maréchal de camp, était à Pont-à-Mousson pour assembler l’infanterie qui s’y rendait de divers endroits, et d’où il avait déjà envoyé en Alsace des compagnies détachées et ce qu’il avait de cavalerie, en attendant qu’il pût y marcher lui-même avec les troupes qui n’étaient pas encore arrivées. Le duc de Weimar, que l’inaction fatiguait, surprit un fort au-dessus du faubourg de Saverne, et, ayant fait pointer le lendemain son canon contre la basse ville, dont les murailles sont assez faibles, l’on y fit une brèche. De l’infanterie française et allemande, aux ordres de Nettancourt, mestre de camp, fut aussitôt commandée pour donner l’assaut. Il marcha fort résolument, monta à la brèche sans résistance ; mais quand les troupes furent au-delà, elles se trouvèrent environnées de bonnes traverses bien flanquées, et si accablées du feu qui en partait, que deux cent hommes des plus avancés furent contraints de se mettre à couvert entre la brèche et les traverses, dans une maison où l’on porta Nettancourt blessé d’une mousquetade au travers du corps. Beaucoup d’officiers et de soldats furent aussi blessés et tués, et on compta au nombre des derniers le comte de Hanau, seigneur allemand. Le comte de Guiche, alors maréchal de camp, qui s’était porté à l’attaque, y reçut plusieurs coups dans sa cuirasse, et fut obligé de se retirer avec le reste de ceux qui y avaient marché.
Ce rude commencement fit agir avec plus de précaution, et l’on commença à attaquer les assiégés pied à pied ; mais ils se défendaient si bien, que l’on ne gagnait pas un pouce de terre sans combat. Nous arrivâmes en ce temps là, logeâmes à Saint-Jean-des-Choux, et entrâmes en garde le jour même. L’on ne faisait point de tranchées, et l’attaque se dirigeait contre des maisons que les ennemis défendaient, après les avoir flanquées de bonnes barricades et de grandes traverses sur lesquelles notre canon ne pouvait se pointer, parce qu’elles étaient couvertes par les ruines des maisons du faubourg. Quand, après avoir bien disputé une traverse ou une maison, les ennemis étaient contraints de l’abandonner, il y mettaient le feu et se retiraient derrière d’autres barricades ou traverses. Toute la basse ville était fortifiée de cette manière, et la haute n’était pas encore attaquée. Milen (ou Milhaim), colonel allemand, homme d’une haute estime, que ce siège augmenta encore à nos dépends, commandait dans la place. Son lieutenant-colonel, excellent ingénieur, avait fait exécuter tous les travaux dont je viens de parler. A notre première garde, le colonel Hébron, écossais, maréchal de camp, fut blessé d’une mousquetade dont il mourut deux heures après : c’était un très-bon homme de guerre, et qui avait bien servi. Le lendemain le régiment de la Bloquerie perdit cinq cent hommes à une sortie que firent les ennemis. La puanteur de leur corps, qu’on ne put retirer, et qui étaient tous les uns sur les autres, fut une de nos grandes incommodités pendant le siège. Un autre jour, le régiment de Grancey perdit une partie de ses officiers et soldats à une attaque qui ne réussit pas. Nous l’entreprîmes le lendemain, et nous rendîmes maîtres de la maison qui était disputée. Montsolins, capitaine de notre régiment, y fut blessé à la tête, et Chateau, lieutenant, tué. Le vicomte de Turenne y eut aussi un bras cassé. Le siège continua avec la même chaleur jusqu’au quarantième jour, quoique l’on eût emporté la brèche dès le premier. Nous étions dans le milieu de la basse ville, toujours à la longueur des piques, n’y ayant que les traverses et barricades entre nous et les ennemis, lorsque le défaut de vivres les obligea de capituler (le 14 juillet 1636). Ils sortirent de la place encore au nombre de mille des meilleurs hommes et les mieux faits que j’ai jamais vus ; ils eurent la composition qu’ils voulurent, et allèrent joindre Galas, qui les reçut comme des vainqueurs ; ce qu’ils méritaient bien, jamais gens ne s’étant mieux défendus dans une méchante place.
Pendant ce siège, où nous eûmes plus de deux mille hommes tués, l’armée espagnole des Pays-Bas, commandée par le prince Thomas de Savoie, prit la Capelle, le Catelet, Corbie, Roye et Mondidier, ce qui répandit l’épouvante dans le royaume. (…) »
Le vicomte de Turenne, maréchal de camp, était à Pont-à-Mousson pour assembler l’infanterie qui s’y rendait de divers endroits, et d’où il avait déjà envoyé en Alsace des compagnies détachées et ce qu’il avait de cavalerie, en attendant qu’il pût y marcher lui-même avec les troupes qui n’étaient pas encore arrivées. Le duc de Weimar, que l’inaction fatiguait, surprit un fort au-dessus du faubourg de Saverne, et, ayant fait pointer le lendemain son canon contre la basse ville, dont les murailles sont assez faibles, l’on y fit une brèche. De l’infanterie française et allemande, aux ordres de Nettancourt, mestre de camp, fut aussitôt commandée pour donner l’assaut. Il marcha fort résolument, monta à la brèche sans résistance ; mais quand les troupes furent au-delà, elles se trouvèrent environnées de bonnes traverses bien flanquées, et si accablées du feu qui en partait, que deux cent hommes des plus avancés furent contraints de se mettre à couvert entre la brèche et les traverses, dans une maison où l’on porta Nettancourt blessé d’une mousquetade au travers du corps. Beaucoup d’officiers et de soldats furent aussi blessés et tués, et on compta au nombre des derniers le comte de Hanau, seigneur allemand. Le comte de Guiche, alors maréchal de camp, qui s’était porté à l’attaque, y reçut plusieurs coups dans sa cuirasse, et fut obligé de se retirer avec le reste de ceux qui y avaient marché.
Ce rude commencement fit agir avec plus de précaution, et l’on commença à attaquer les assiégés pied à pied ; mais ils se défendaient si bien, que l’on ne gagnait pas un pouce de terre sans combat. Nous arrivâmes en ce temps là, logeâmes à Saint-Jean-des-Choux, et entrâmes en garde le jour même. L’on ne faisait point de tranchées, et l’attaque se dirigeait contre des maisons que les ennemis défendaient, après les avoir flanquées de bonnes barricades et de grandes traverses sur lesquelles notre canon ne pouvait se pointer, parce qu’elles étaient couvertes par les ruines des maisons du faubourg. Quand, après avoir bien disputé une traverse ou une maison, les ennemis étaient contraints de l’abandonner, il y mettaient le feu et se retiraient derrière d’autres barricades ou traverses. Toute la basse ville était fortifiée de cette manière, et la haute n’était pas encore attaquée. Milen (ou Milhaim), colonel allemand, homme d’une haute estime, que ce siège augmenta encore à nos dépends, commandait dans la place. Son lieutenant-colonel, excellent ingénieur, avait fait exécuter tous les travaux dont je viens de parler. A notre première garde, le colonel Hébron, écossais, maréchal de camp, fut blessé d’une mousquetade dont il mourut deux heures après : c’était un très-bon homme de guerre, et qui avait bien servi. Le lendemain le régiment de la Bloquerie perdit cinq cent hommes à une sortie que firent les ennemis. La puanteur de leur corps, qu’on ne put retirer, et qui étaient tous les uns sur les autres, fut une de nos grandes incommodités pendant le siège. Un autre jour, le régiment de Grancey perdit une partie de ses officiers et soldats à une attaque qui ne réussit pas. Nous l’entreprîmes le lendemain, et nous rendîmes maîtres de la maison qui était disputée. Montsolins, capitaine de notre régiment, y fut blessé à la tête, et Chateau, lieutenant, tué. Le vicomte de Turenne y eut aussi un bras cassé. Le siège continua avec la même chaleur jusqu’au quarantième jour, quoique l’on eût emporté la brèche dès le premier. Nous étions dans le milieu de la basse ville, toujours à la longueur des piques, n’y ayant que les traverses et barricades entre nous et les ennemis, lorsque le défaut de vivres les obligea de capituler (le 14 juillet 1636). Ils sortirent de la place encore au nombre de mille des meilleurs hommes et les mieux faits que j’ai jamais vus ; ils eurent la composition qu’ils voulurent, et allèrent joindre Galas, qui les reçut comme des vainqueurs ; ce qu’ils méritaient bien, jamais gens ne s’étant mieux défendus dans une méchante place.
Pendant ce siège, où nous eûmes plus de deux mille hommes tués, l’armée espagnole des Pays-Bas, commandée par le prince Thomas de Savoie, prit la Capelle, le Catelet, Corbie, Roye et Mondidier, ce qui répandit l’épouvante dans le royaume. (…) »
Et voici ce même siège d'après le comte de Guiche (Mémoires de Grammont :
And here is an account if this same siege, from the Memories of Grammont (count of Guiche) :
« [1636] La campagne suivante, le duc de Weimar, qui avait fort goûté le comte de Guiche, et qui le trouvait à son point, le demanda au Roi pour commander ses troupes sous lui. Et ayant marché en grande diligence avec peu de cavalerie, et laissé le comte de Guiche à Vergaville avec le reste de ses troupes, il fit l’entreprise du fort de Saverne : ce qui lui ayant heureusement réussi, il songea à attaquer la place, quoiqu’il y eût dedans douze cents hommes de la meilleure infanterie de l’Empereur, et qu’il manquât de canon et de munition. Mais la place (le fort étant pris) était de soi si mauvaise, et le passage si important, qu’il manda au comte de Guiche de marcher en toute diligence pour en venir former le siège.
Le soir qu’il arriva, le duc de Weimar, qui avait envie d’expédier la besogne, fit ouvrir la tranchée ; et le troisième jour, le canon ayant fait une brèche à la muraille, où l’on ne pouvait monter qu’avec une échelle, il se résolut, un peu à la manière allemande, de faire donner l’assaut. Le comte de Guiche, ainsi que nombre d’officiers principaux, jugeant la chose impraticable, s’y opposa autant qu’il put ; mais comme la continuation d’une négative n’eût pas été admise chez un général allemand, qui ne fait pas cas des répliques lorsqu’il s’est déterminé à vouloir quelque chose, le comte de Guiche, ne pouvant vaincre son opiniâtreté, prit le parti de l’obéissance, et donna les ordres nécessaires pour l’attaque, à laquelle le duc de Weimar lui avait défendu de se trouver en personne.
Cependant comme la chose le regardait en quelque façon, d’autant que son avis n’avait pas été d’attaquer, il se mit à la tête des capitaines qui devaient soutenir les gens commandés. Le sieur Fabert, depuis maréchal de France, qui lui était fort attaché, ne le voulut pas quitter : l’assaut fut terrible, de même que la défense des assiégés. Cependant on ne se rendît maître de la brèche, et on entra dans une maison de la ville, laquelle ayant été bien retranchée par les ennemis, et pleuvant du haut de la muraille un nombre infini de grenades et de coups de mousquets, tous les officiers et la plupart des soldats ayant été tués ou blessés, il fallut abandonner ce qu’on ne pouvait conserver, et se retirer par le chemin qu’on avait fait. Le comte de Guiche y eut tous ses gentilshommes tués à ses côtés, et y reçut neuf mousquetades, tant sur ses armes que sur lui. Il demeura longtemps dans le fossé sans autre assistance que celle du sieur Fabert, qui, quoique blessé de trois coups, le retira néanmoins du fossé et des morts, au milieu de qui il était depuis plus d’une heure.
Le comte de Hanau, qui avait été à l’assaut avec le comte de Guiche, retourna trouver le duc de Weimar, qui était dans le fort, d’où il voyait l’attaque, pour lui dire que c’était honte d’abandonner ainsi le comte de Guiche dans l’état où il était, et lui proposa de le faire soutenir, et de le dégager avec un renfort de troupes allemandes à la tête desquelles il se mettrait. Pour cet effet, le duc ordonna les régiments des colonels Candec et Sandelants : le comte de Hanau, qui marchait à leur tête, fut tué d’abord, et les deux colonels pareillement ; ce qui ayant été rapporté au duc de Weimar, et que toute son infanterie était rebutée, il sortit lui-même en sa personne ; et après avoir fait deux pas en avant, il reçut une mousquetade qui lui coupa un doigt de la main. De cet instant, tout se mit en confusion, et ce fut par un miracle que le sieur Fabert sortit le comte de Guiche du fossé, et le rejeta dans le fort. Ce siège est un des plus mémorables qui se soit fait, tant par sa durée que par son opiniâtre défense. Les ennemis défendirent pied à pied toutes les rues, et ne se rendirent avec capitulation qu’à la dernière. L’on a perdu l’usage depuis ce temps-là de défendre les places de cette façon. Le colonel Hébron y fut tué, et le vicomte de Turenne y eut la main cassée. C’est ainsi que finit le siège de Saverne. »
Le soir qu’il arriva, le duc de Weimar, qui avait envie d’expédier la besogne, fit ouvrir la tranchée ; et le troisième jour, le canon ayant fait une brèche à la muraille, où l’on ne pouvait monter qu’avec une échelle, il se résolut, un peu à la manière allemande, de faire donner l’assaut. Le comte de Guiche, ainsi que nombre d’officiers principaux, jugeant la chose impraticable, s’y opposa autant qu’il put ; mais comme la continuation d’une négative n’eût pas été admise chez un général allemand, qui ne fait pas cas des répliques lorsqu’il s’est déterminé à vouloir quelque chose, le comte de Guiche, ne pouvant vaincre son opiniâtreté, prit le parti de l’obéissance, et donna les ordres nécessaires pour l’attaque, à laquelle le duc de Weimar lui avait défendu de se trouver en personne.
Cependant comme la chose le regardait en quelque façon, d’autant que son avis n’avait pas été d’attaquer, il se mit à la tête des capitaines qui devaient soutenir les gens commandés. Le sieur Fabert, depuis maréchal de France, qui lui était fort attaché, ne le voulut pas quitter : l’assaut fut terrible, de même que la défense des assiégés. Cependant on ne se rendît maître de la brèche, et on entra dans une maison de la ville, laquelle ayant été bien retranchée par les ennemis, et pleuvant du haut de la muraille un nombre infini de grenades et de coups de mousquets, tous les officiers et la plupart des soldats ayant été tués ou blessés, il fallut abandonner ce qu’on ne pouvait conserver, et se retirer par le chemin qu’on avait fait. Le comte de Guiche y eut tous ses gentilshommes tués à ses côtés, et y reçut neuf mousquetades, tant sur ses armes que sur lui. Il demeura longtemps dans le fossé sans autre assistance que celle du sieur Fabert, qui, quoique blessé de trois coups, le retira néanmoins du fossé et des morts, au milieu de qui il était depuis plus d’une heure.
Le comte de Hanau, qui avait été à l’assaut avec le comte de Guiche, retourna trouver le duc de Weimar, qui était dans le fort, d’où il voyait l’attaque, pour lui dire que c’était honte d’abandonner ainsi le comte de Guiche dans l’état où il était, et lui proposa de le faire soutenir, et de le dégager avec un renfort de troupes allemandes à la tête desquelles il se mettrait. Pour cet effet, le duc ordonna les régiments des colonels Candec et Sandelants : le comte de Hanau, qui marchait à leur tête, fut tué d’abord, et les deux colonels pareillement ; ce qui ayant été rapporté au duc de Weimar, et que toute son infanterie était rebutée, il sortit lui-même en sa personne ; et après avoir fait deux pas en avant, il reçut une mousquetade qui lui coupa un doigt de la main. De cet instant, tout se mit en confusion, et ce fut par un miracle que le sieur Fabert sortit le comte de Guiche du fossé, et le rejeta dans le fort. Ce siège est un des plus mémorables qui se soit fait, tant par sa durée que par son opiniâtre défense. Les ennemis défendirent pied à pied toutes les rues, et ne se rendirent avec capitulation qu’à la dernière. L’on a perdu l’usage depuis ce temps-là de défendre les places de cette façon. Le colonel Hébron y fut tué, et le vicomte de Turenne y eut la main cassée. C’est ainsi que finit le siège de Saverne. »
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RépondreSupprimerJe n'ai pas connaissance à quelconque moment du rattachement de Saverne à la Bourgogne. C'est une ville d'Alsace (son col est connu comme la porte nord de l'Alsace d'ailleurs). Excellent article par ailleurs.
RépondreSupprimerOui effectivement, message tapé un peu trop rapidement !
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