mercredi 9 septembre 2009

French account of the battle of Tornavento, 1636

Voici une relation de la bataille de Tornavento menée par le duc de Créqui et le duc Victor-Amédée de Savoie contres les espagnols de Leganez.
Pour une description complète de cette bataille, voir l'excellent site Tercio de Pierre Picouet.

Here is an account of the battle of Tornavento conducted by the Dukes of Crequi and Victor Amadeus of Savoy against the Spanish Leganez.

For a complete description of this battle, see the excellent website, Pierre Picouet's Tercio (with english and spanish translation).




Relation de la victoire obtenue en Italie par l’armée du Roy.
(Bataille de Tornavento, 22 juin 1636)
A Lyon, 1636.

“Le duc de Créquy (Crequi), après s’être saisi des deux bords du Thezin (Tessin ou Ticino), le passa le seizième (16) juin, avec l’avant-garde de l’armée du roi, composée de 5 à 6,000 hommes de pied, et 1,000 à 1,200 chevaux, sur un pont de bateaux, que l’on avait apporté, que le comte du Plessis-Praslin fit faire, avec des diligences incroyables, et se logea à la Caze de la Camera, qui est une maison, vis à vis de laquelle le Naville (le Naviglio), qui va à Milan, dérive du Thezin (Tessin) : l’importance de ce poste est fort facile à juger, à ceux qui s’entendent aux affaires d’Italie : et son altesse avec le reste de son armée se vint camper à l’autre bord du Thezin (Tessin), l’armée séjournant en son camp jusqu’au vingtième (20 juin). Ce temps fut employé à résoudre si l’on fortifierait ce poste ou si l’on s’en irait prendre un autre plus aisé à fortifier et garder, à l’embouchure de cette rivière, sur le bord du lac Majeur. Après beaucoup de difficultés de part et d’autre, et sur la diversité d’opinions, il fut résolu que l’armée quitterait son premier poste pour aller prendre l’autre, et se fortifier.
Son Altesse (Victor Amédée de Savoie) en ayant donné l’ordre au duc de Créquy, il partit avec sa brigade du côté au delà de la rivière, où il était logé, et son Altesse de l’autre, avec le reste de l’armée, qui était d’environ 8,000 hommes de pied, et 1,500 chevaux ; après avoir rompu le pont, les deux corps marchèrent à l’opposé l’un de l’autre, jusqu’à leurs logements, qui fut à Some pour l’avant-garde et à Castelet pour l’autre corps. Dès le soir, l’ordre fut donné pour partir le lendemain au point du jour, et déjà le comte du Plessis-Praslin était parti avec les maréchaux des logis, et fourriers, pour aller faire le quartier au lieu, où l’on voulait fortifier, quand l’on eut avis de son altesse par Vismes, aide de camp, que les ennemis venaient prendre le logement, que l’on avait quitté, et ordre de s’en revenir pour les en empêcher.
L’armée se mit en bataille, et s’en revint en très bon ordre, sur le même chemin qu’elle avait fait le jour précédent ; celle de son Altesse en fit de même de son côté ; et le duc de Créquy sans s’arrêter à quantité d’avis, qu’il eut par le chemin, s’en vint avec résolution de prendre le poste quitté de la Caze de Camera. Il envoya devant lui Bouillac, avec ses dragons, pour prendre nouvelles des ennemis, et peu après détacha Courvou (Courvoux) avec son escadron qui partit accompagné du marquis de Hautefort, pour se saisir d’un poste, qui était fort avantageux, pour nous faciliter à reprendre notre logement ; comme il aborde ce poste, les coureurs de l’ennemi y arrivèrent d’un autre côté ; mais les trouvant faibles, et éloignés de leur avant-garde, ils le quittèrent sans grand combat. Le duc de Créquy, averti par Courvou, fait avancer le comte du Plessis-Praslin, suivi de deux escadrons, donne l’ordre au comte de Sault de s’avancer avec le reste des troupes. Le tout fut exécuté avec telle diligence que l’armée se trouva logée au même temps que l’avant-garde des ennemis commença à paraître, hors d’un village nommé Vensequel à un mille de la nôtre.
Il était déjà tard, et le reste de la journée se passa en légères escarmouches,où le sieur de Saint-Benoît, capitaine de cavalerie, se fit admirer ; de l’autre côté son Altesse arriva dans le logement qu’il avait quitté le jour précédent, et avec une extrême fit faire un pont toute la nuit, la personne y étant toujours présente.
Le vingt-deuxième (22 juin), l’armée des ennemis fut en bataille à la pointe du jour, et eussent surpris la nôtre sans la grande diligence qu’apporta le duc de Créquy à donner les ordres nécessaires aux comtes du Plessis, et de Sault, pour la mettre en bataille, qu’ils exécutèrent avec une extrême vigilance.
Le bord du Thezin est fort relevé en cet endroit. Entre le bord et le cours de la rivière, il y a une espace de mille pas de pays ; de l’éminence de ce bord, où était logée notre infanterie, jusqu’à Vensequel, logement des ennemis, y a un quart de lieue de plaine, où il n’y a ni haies, ni fossés. Depuis ledit Vensequel jusqu’à notre camp, à la main gauche, il y a un grand fossé, lequel ils avaient à main droite, au long duquel le duc de Créquy fit sortir le régiment de Lyonnais, commandé par le chevalier d’Halincourt, qui soutint en cet endroit le premier effort des ennemis. Les troupes du roi étaient logées dessus un haut, à l’opposé du Naville, excepté les régiments de Pierregourde et de Florinville, les gendarmes d’Halincourt, et l’escadron de l’Estang (Lestang), que l’on envoya au bas, pour empêcher que les ennemis ne vinssent rompre le pont, comme ils en avaient le dessein.
Les ennemis s’avancèrent en bataille, en fort bel ordre, au nombre de 13,000 hommes de pied et 4,500 chevaux avec 5 pièces de canon. Le combat commença à huit heures du matin par une furieuse escarmouche où le canon des ennemis, logé à l’avantage, incommodait extrêmement nos troupes, lesquelles accablées du nombre des ennemis plièrent un peu.
Lors le comte du Plessis-Praslin mena l’escadron de Boissac soutenu de celui du baron de Palluau, opposer au grand effort des ennemis ; ils les arrétèrent pour un long temps, mais à la fin il fallut que le faible cédait au plus fort. Boissac, après avoir eu trois chevaux tués sous lui, et 35 ou 40 hommes de son escadron tués ou démontés fut pris par les ennemis et secouru par Palluau et Roquetaillade ; cornette de Boissac, jusque dans le milieu des ennemis, lesquels ayant soutenu trois attaques, qui leur furent faites par le régiment de Chamblay mené au combat par le comte du Plessis-Praslin, suivi de Castellan, sergent de bataille, et Rocqueservière, aide de camp, lesquels n’en bougèrent tant que le combat dura, et tué et blessé la plus grande part des officiers dudit régiment, et par ce moyen ne trouvant qu’une faible résistance en cet endroit, descendirent le coteau au pied duquel ils trouvèrent Pierregourde et Florinville, lesquels firent une si grande résistance dans leurs retranchements que les ennemis se résolurent de les prendre par derrière ; ce qui obligea les nôtres à quitter leur poste, et Pierregourde à rallier ce qu’il pût des deux régiments, Florinville étant demeuré blessé dans son poste de deux mousquetades, sans l’abandonner, pour s’en revenir l’épée à la main, le faire quitter aux ennemis ; ce qu’il exécuta, assisté de l’escadron de l’Estang (Lestang) soutenu des gendarmes d’Halincourt (Allencour), et tous ensemble après un grand combat chassèrent les ennemis, tant de cavalerie que d’infanterie, qui s’étaient saisis de la prairie qui tient au Naville. Ils furent en même temps secourus de son Altesse par les régiments de Senantes et de Sevenes, et tous ensemble repoussèrent les ennemis sur la cime de la montagne, où Senantes et Sevenes se logèrent.
Comme ils se virent chassés du bas, ils se résolurent de faire un effort à la tête d’en haut ; et pour cet effet envoyèrent sept cornettes allemandes, soutenues du reste de leur cavalerie, charger la main droite de notre infanterie, qui fut contrainte de ployer après une signalée résistance. Mais le comte du Plessis-Praslin, qui en cette journée a fait des merveilles, les fit charger sur ce temps par Boissac et Palluau qui avaient rallié 25 ou 30 maîtres de leurs escadrons, et Bouillac avec 5 ou 6 de ses dragons, et par Courvou sur la gauche, avec 30 maîtres des siens qui les repoussèrent si vivement et avec tant de perte des leurs que leur cavalerie n’osa plus paraître. En ce temps le duc de Créquy et le comte de Sault s’avancèrent sur notre gauche avec le reste de la cavalerie pour faire tête à celle des ennemis qui soutenaient lesdits allemands, lequel duc avec des soins extraordinaires et mettant à toute heure sa personne en péril, allât à tout moment à la tête voir ce qui se passait, faisait rafraîchir ses troupes qui combattaient sous l’ordre du comte du Plessis, tant de celles de l’avant-garde que du régiment de cavalerie du chevalier de Souvray, et des escadrons de Savoie, que des régiments de Cauvisson, de Lorrains, de Maroles (Marolles), de Bois David, la Tour et la Ferté qui servirent tous avec tant de courage que souvent ils repoussèrent les ennemis des postes les plus avantageux. L’infanterie des ennemis voyant leur cavalerie rebutée se résolut de faire un autre effort contre la nôtre. Comme elle s’avançait pour cet effet, l’escadron de Vanterol et Couvet avec la compagnie de Saint-Benoît les chargea si vivement qu’il leur fit perdre l’envie de s’y plus jouer de si près. Le combat ne délaissa de continuer toujours avec plus de violence, tant d’une part que d’autre, jusqu’à la nuit ; et les ennemis voulant faire un dernier effort sur Henrichemont et Roquefeuille, qui avaient relevé le régiment de Sault de son poste, qui l’avait conservé contre deux ou trois attaques furieuses, et avec perte quasi de tous leurs officiers, ils trouvèrent une si grande résistance qu’avec perte de beaucoup des leurs ils furent recognés rudement l’épée à la main jusque dans leurs retranchements, le prince d’Enrichemont étant à la tête de son régiment. Il serait malaisé de dire combien de fois ils vinrent à nous et combien de fois ils furent repoussés, encore plus de particulariser les exploits des uns et des autres. Le combat dura quinze heures sans aucune relâche. Son Altesse avec le duc de Créquy et les maréchaux de camp ayant résolu de parachever le combat et la victoire aussitôt que le jour paraîtrait, ils apprirent par lui la fuite des ennemis. Leur ruse, pour la couvrir, fut de laisser 500 piques plantées en terre et autant de mèches allumées, rangées sur leurs retranchements, et 200 dragons qui tirèrent tous jusque au jour.
Ils laissèrent sur le champ la plupart de leurs morts, quantité d’armes, chariots et munitions de guerre. Ils ont perdu tant morts que blessés, 3,000 hommes de pied et 3 ou 400 chevaux ; entre autres le général de la cavalerie Gambecourte, et plus de 150 officiers de leur infanterie, particulièrement des espagnols et allemands ; les dragons allemands y ont perdu presque tous leurs chefs. Gildas, Dom Martini d’Aragon, le marquis de Mortare et Spadin sont blessés ; ils ont laissé 2 ou 300 prisonniers : entre autres Dom luis Gäettan blessé à mort, Dom Thomas Dagolle et Dom Francesco de Cardonne. Nous avons perdu 4 à 500 hommes de pied, tant de morts que de blessés, 100 ou 120 chevaux et plus de 80 capitaines tant d’infanterie que de cavalerie ; entre autres le baron de Montagny, Chanteraine et la Tour, aide de camp, Montrevel, le Brueil, 5 capitaines de Florinville et 6 de Chamblay, Sarron, lieutenant des gendarmes d’Halincourt blessé, Bonne, Ponat, la Passa, Saint-Ange, Charmet et plusieurs autres blessés du régiment de Sault ; le chevalier Dailly et Buzenas, capitaines du régiment de Lyonnais, et 5 ou 6 officiers, la Tour, maître de camp, et Dumas, capitaine d’Aiguebonne prisonniers.
L’on a remarqué une visible protection de Dieu envers le duc de Créquy, le comte du Plessis-Praslin et le comte de Sault en cette journée, qui faisant devoir de commander et combattre n’ont été blessés en aucun endroit.
Haultefort, Noailles, Belmont, Oudet, Giguaur et Marquet, volontaires, se sont signalés en toutes les actions de ce combat.
Jusqu’ici on n’a point parlé de ce qui est dû à son Altesse, parce que la gloire de cette action appartenant à son soin et à sa valeur, il a été raisonnable de finir la relation en avouant que tout l’honneur acquis par les armes du roi, cette journée vient par sa prudence et extraordinaire vigilance.”

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