jeudi 17 mars 2016

Battle of Breitenfeld (1631)



Relation de la bataille de Breitenfeld, selon "Le Soldat Suédois" 
(Battle of Breitenfeld according to "The Swedish Intelligencer")

"Le Roy de Suède partagea son armée en trois gros, logés séparément, mais en sorte qu’ils pussent s’entre-seconder au besoin, sans délai. Le Roy prit quartier à Werben, Horn maréchal de camp à Brandebourg, et le colonel Todt à Ratenau, pour assurer la rivière de Havel.
Il arriva aussi un renfort nouveau de 4000 suédois, avec un grand attirail de canons de nouvelle invention, à Wolgast, qui furent commandés de joindre les troupes du marquis de Hamilton, la ville et le château de Crossen furent mis en cendre en même temps par des incendiaires, subornés par les Impérialistes, sans que les suédois en pussent sauver autre chose que les munitions de guerre qui y étaient en abondance.
Or le comte de Furstenberg s’était campé ès environs de Fulda, après avoir gourmandé la Souabe, grossi ses troupes des levées d’autrui, et réduit ce Cercle, aussi bien que celui de Franconie à renoncer au résultat de Leipzig. Ce qui servit non seulement à abaisser les forces des protestants, mais aussi à enfler les siennes. En quoi qu’il fût sur le point de se jeter dans le pays de Hesse pour lui faire porter l’endosse de sa conjonction avec la Suède, ayant reçu autre ordre, il s’achemina en diligence vers le comté de Henneberg, et de là vint joindre Tilly avec 41 cornettes de cavalerie et 35 compagnies d’infanterie.
Ce renfort étant arrivé au camp, et nouvelles de l’approche d’Aldringer, et de celle de Tieffenbach du côté de la Lusace, Tilly jugea qu’il ne fallait plus marchander avec l’électeur de Saxe, le tenant comme cerné de tous côtés, et se croyant en état de lui faire ses restes, il envoya le prélat de Metternich, et le baron de Schoenbourg vers l’Electeur de Saxe, le somme de se déclarer, demande conjonction d’armes contre la Suède, et quartier pour ses troupes, montrer qu’il n’était plus question de barguigner, vu qu’il avait ordre de se faire obéir, là où on manquerait de volonté et d’effet, de servir SM Impériale. Mais l’Electeur voyant sa réputation engagée à maintenir les conclusions d’un corps dont il avait été le chef, renvoya les députés avec beaucoup de protestes, et peu de satisfaction pour des gens qui ne se payaient pas, ni de ses services passés, ni de ses plaintes, croyant avoir l’occasion et le moyen en main pour le ranger à raison. C’est pourquoi Tilly se résout de passer outre sans délai, pour l’achever devant qu’il put passer à une conjonction actuelle avec la Suède, et donne le rendez-vous de ses troupes à Hall, se résout de se jeter dans la Saxe, et de forcer l’Electeur à le recevoir. Et en effet il attaque et emporte Moersbourg d’abord, ravage le plat pays, entre dans Zeitz, où la soldatesque de Tilly fut si insolente que d’y géhenner les conseillers de l’Electeur, leur corder le front, et serrer d’un rouet d’arquebuse les pouces de son chancelier, pour en tirer quintessence désirée. Et nonobstant toutes les plaintes et protestations de l’Electeur, et sa retraite vers Torgau, Tilly ne laisse pas de suivre son dessein et sa pointe, de s’emparer de Naumbourg, de Weissenfels, et de Quedlinbourg. De là il s’achemine à Leipzig, demande vires, fourrage, contribution, menace de la venir quérir lui-même en cas de refus. En effet y arrive le 3 septembre avec une armée de 40 000 hommes. L’Electeur de Saxe surpris rallie le plus promptement qu’il peut à Torgau les troupes qu’il avait levées sous les ducs d’Altenbourg, les colonels Bindtauf, Schwalbach, Taube, Vitzthumb, et autres, y joint celles du pays, et fait un gros de 24 000 hommes, envoie Anheim en diligence vers le Roy de Suède, qui était alors campé près de Wittenberg, lui fait entendre l’entreprise de l’ennemi, et son état, et le prie de venir au secours de Leipzig, ville grande et riche, mais peu aguerrie, et peu fortifiée.
Le Roy répond d’abord froidement à Arnheim, qui était marri du désastre de son maître, mais que rien ne lui était arrivé qu’il ne lui eût prédit ci-devant, que s’il en eût cru en temps, que Magdebourg ne serait pas en cendres, ni ses états en danger. De quoi qu’il eut fait dessein d’employer ses troupes ailleurs, que néanmoins il était prêt de venir au secours de l’Electeur moyennant, 1. Que Wittenberg lui fut donné pour sa retraite. 2. Que le fils aîné de l’Electeur le vint servir en son armée. 3. Qu’on lui payât le solde de trois mois de ses troupes. 4. Qu’on lui livrât les traitres que l’Electeur avait en son Conseil, ou que lui-même leur fît procès. 5. Que l’Electeur entrât avec lui en une ligue étroite, et défensive, et offensive.
L’Electeur averti par Arnheim des demandes du Roy de Suède, le renvoie en diligence sans marchander, avec ordre de lui dire, 1. Que non seulement Wittenberg, mais tout l’Electorat lui serait ouvert pour sa retraite. 2. Que non seulement le Prince son fils, mais, lui-même se rendrait en son armée. 3. Qu’il donnerait une paie présentement à ses troupes, et assurance pour deux autres. 4. Que les traitres lui fussent indiqués, et qu’il en ferait une punition exemplaire. 5. Qu’il emploierait, et ses états, et sa vie pour la cause commune. Qu’il n’avait pas pu croire ci-devant qu’il dût être traité de la façon par les Impérialistes, et qu’il mesurerait l’obligation qu’il aurait au Roy de ce secours au besoin, qu’il en avait présentement.
Le Roy ayant vu la franchise de l’Electeur, lui fait voir la sienne au réciproque, lui mande qu’il avait eu sujet de se défier de lui par le passé, et de lui demander beaucoup d’assurances pour l’avenir, parce qu’il avait marchandé si longtemps : mais qu’à présent, voyant qu’il allait rondement en besogne, et prenait des résolutions généreuses, qu’il ne lui demandait aucun des points susdits, se contentant qu’il s’employât vigoureusement pour la cause commune, toutefois en cas qu’il voulût donner une paye à son armée, qu’il espérait qu’elle la lui regagnerait bien tôt. Ensuite le Roy s’achemine à Wittenberg, y amène l’Electeur de Brandebourg, s’y abouche avec celui de Saxe, tous trois traitent et s’accordent ensemble, et comme on a voulu dire, conviennent secrètement des promesses de mariage, entre le fils de l’Electeur et la fille du Roy de Suède, s’obligent même par serment les uns aux autres en la place publique de Wittenberg, d’employer leurs états, et leurs vies pour la cause commune.
Pendant ces entrefaites Tilly investit Leipzig, la somme de se rendre, offre des conditions avantageuses. Il reçoit pour réponse, qu’on n’ose le recevoir sans le su et la permission de son Altesse Electorale, et qu’on ne pouvait croire, qu’il voulut faire acte d’hostilité aux sujets d’un Prince si méritant envers Sa Majesté Impériale.
Au bout de trois heures les députés sont renvoyés par Tilly, la ville sommée derechef, en cas de refus menacée d’une entière désolation. Ceux de Leipzig lui déclarent, que puisqu’ils ne se pouvaient exempter de violence par prières, qu’on avait ordre de Son Altesse de le faire par une courageuse défense. Là dessus la ville est alarmée, le feu mis aux faubourgs, le canon en batterie, quelques volées sont envoyées sur les troupes les plus avancées de l’ennemi, et un boulet même est si hardi, que d’enlever quelqu’un au côté de Tilly. Qui irrité, fait ses approches en diligence, fait pointer et jouer son artillerie, fait jeter la nuit suivante nombre de grenades dans la ville pour l’embraser. Mais ayant été rendues inutiles par la diligence des assiégés, il avance ses galeries et ses gabbionades toute la nuit, si fort, qu’il se met hors de la mire du canon des assiégés, et en état de n’en être plus offensé.
Le lendemain il tonne furieusement sur la ville pour faire peur aux assiégés, les somme derechef en même temps de se rendre, leur mande que la porte de grâce était encore ouverte, et les menace du traitement de Magdebourg, et de toutes extrémités imaginables, en cas qu’ils s’opiniâtrassent davantage, et lui firent perdre du temps.
Les menaces de l’ennemi jointes à ses efforts, intimident les habitants peu aguerris. Ils se résolvent de traiter, la garnison s’y accorde. On envoie des députés au camp de Tilly. Pappenheim les reçoit, leur remontre d’abord leur témérité, le peu de moyen qu’ils avaient de se maintenir, et proteste qu’il ne leur fallait que la nuit suivante pour les achever, et mettre leur ville en cendres. Tilly leur promet la conservation de leurs privilèges, la liberté de leurs consciences, demande quatre tonnes d’or, qui montent à la valeur de deux cent mille écus pour le pillage, offre de n’y loger qu’une garnison fort médiocre, et à celle de l’Electeur la liberté de sortir armés et bagues sauves.
Ces propositions étant ouïes en la ville, qui se jugeait être hors d’espérance d’un prompt secours (Tilly ayant fait pendre trois messagers envoyés par l’Electeur pour en porter les nouvelles aux assiégés, et faisant garder soigneusement toutes les avenues à l’entour), les assiégés acceptent les conditions, présentent les clefs à Tilly, qui y fait son entrée le sixième (6 septembre), fait convoyer la garnison de sept cornettes de cavalerie, avec commission de découvrir la posture de l’Electeur, lequel ayant joint son armée à celle de Suède le quatrième septembre près de Dieben, l’une et l’autre commencèrent à marcher au secours de Leipzig. Les suédois prirent la main droite, les saxons la gauche, en intention de vider le différent par une bataille, avant qu’Aldringer et Tieffenbach pussent joindre l’ennemi, qui venaient à grandes traites pour être de la partie. Tilly averti de cette approche, sort sans délai de Leipzig, après y avoir donné ordre à tout, et laissé le commandement au colonel Wrangler, et sur la place, et sur trois mille hommes de garnison, se rend en son camp, le munit de trois batteries, et de divers retranchements, pour ne pouvoir être forcé au combat, s’il n’y voyait son avantage. Car plusieurs d’entre les chefs étaient d’avis de garder ce poste jusqu’à la venue de Tieffenbach et celle d’Aldringer, et d’épier en lieu avantageux la contenance de l’ennemi. Mais l’opinion, que les Suédois et les Saxons ne les oseraient ni attendre, ni affronter, prévalut, et Tilly commença à faire filer son avant-garde vers Breitenfeld, suivie de la bataille composée de ces bandes victorieuses, qui avaient fait trembler jusque lors toute l’Allemagne. Et pour n’être pas surpris du Roy de Suède, Tilly débande quelques compagnies pour reconnaître sa démarche, et les suit au petit pas pour gagner le haut, et le vent qui tirait d’occident, et fait planter son canon en lieu favorable. Tilly étant en cette posture, et menant la bataille, ayant le comte de Pappenheim à sa gauche, et celui de Furstenberg à sa droite, fait mettre le feu dans Podelwitz par où les Suédois devaient venir, pour leur en faire boire la fumée.
Le Roy nonobstant tout cela ne laisse pas de s’avancer, quoi qu’il eût à passer encore un mauvais pas à la barbe de l’ennemi, et voyant qu’il était en état et posture de combattre, et qu’il fallait qu’une bataille vidât leur différent, et servit de crise pour l’avenir, il s’y résout sans délai, met ses troupes en ordre, prend la droite lui-même, donne la conduite de la bataille à Teuffel, la gauche à Horn maréchal de camp, Baner eut charge de soutenir la corne droite, Hall la gauche, Hebron la bataille.
L’armée étant ainsi rangée, et quelques régiments logés en un poste avantageux pour une troupe de réserve, le Roy donne le mot Dieu avec nous (comme celui des ennemis était Jesus Maria), met le genou en terre, fait sa prière avec dévotion, encourage ses gens, et par ses paroles, et par sa contenance gaie, et assuré, leur dit en peu de mots,
Qu’il avait passé deux cents lieues de pays pour voir cette journée. Qu’il s’assurait et sur leurs exploits passés, et sur leur contenance présente, que l’aspect lui en serait favorable, et désastreux à ses ennemis. Que les batailles étaient des Arrêts de Dieu. Que peu d’heures feraient voir celui de sa cause, et seraient décisoires d’un différent de beaucoup d’années. Qu’il allait frotter joyeusement une couronne royale, et deux bonnets électoraux contre la carcasse d’un vieil corporal, et disputer avec lui non seulement la gloire d’une bataille, mais aussi toutes les conquêtes et usurpations de ses maîtres. Que ceux qui le seconderaient avec courage, trouveraient l’honneur et la récompense de leur valeur à la pointe de leurs épées, et à l’abri de leurs drapeaux.
Ces paroles prononcées avec un visage gai, et un esprit présent, par un Prince capable de se faire aimer aux plus barbares, mirent cœur au ventre si avant aux Suédois, qu’ils ne respirèrent que le moment de charger l’ennemi.
L’Electeur de Saxe cependant tira à gauche vers Seehaufen, suivi des ducs d’Altenbourg ses cousins, et d’une armée fraîche, et bien parée. Tilly voyant approcher ces deux armées vers l’heure de midi, les salue de quelques canonnades. Le Roy lui répond. Cette musique dure deux heures avant la mêlée, et nombre de gens sont mis bas des deux côtés.
Les escarmouches s’attachent par compagnies, le combat suit par régiments. L’artillerie joue et fait jour de part et d’autre. Le Roy voyant l’aile gauche incommodée du canon de l’ennemi, lui fait changer de poste, et la contourne si bien, qu’il gagne la moitié du vent. Pappenheim qui menait la fleur de la cavalerie de Tilly, fait la pointe, attaque le Roy, et veut enfoncer l’aile droite, pour avoir l’avantage du vent. Mais il est reçu vertement par les arquebusiers débandés parmi la cavalerie royale, et contraint de changer de front, et de tirer à gauche. Ayant tâché de prendre le Roy à dos de ce côté-là, il rencontre les régiments commandés de soutenir l’aile droite, qui firent ferme, et le rompirent derechef après un combat disputé, et opiniâtre longtemps.
Tilly cependant fait avancer la bataille, en laquelle étaient ses vieux régiments accoutumés de vaincre, loge son infanterie au milieu, couvre ses flancs de cavalerie, et descend du coteau. Mais se voyant incommodé du canon suédois, et les premiers rangs emportés, il change de poste, et se contente de découpler une partie de sa cavalerie, pour entretenir l’aile gauche du Roy, lui-même donne de toutes ses forces dans l’armée de Saxe, commande l’aile droite de le seconder, heurte et perce divers escadrons de cavalerie. Deux ducs de Saxe Altenbourg sont portés par terre à la première charge, mais remontés par l’aide des leurs. La cavalerie étant rompue, plusieurs régiments d’infanterie lâchent pied. Il n’y eut que ceux d’Arnheim, de Beindtauff, de Taub et de Vitzthum, qui firent devoir quelques temps. Mais à la longue ils succombèrent ; l’ennemi les mena battant, et les porta à une telle confusion, que perdant, et leur poste, et leur jugement, sans discerner plus, ni amis, ni ennemis, ils firent boire leur escopeterie à leurs propres compagnons, et tournèrent finalement le dos aux Impérialistes, jetant bas les armes, et enfilant à grands pas le chemin d’Eilenbourg, nom omineux, et qui s’y rencontra véritable pour eux.
Cette déroute des Saxons enfla fort le courage aux Impérialistes, et leur fit croire que la bataille était gagnée ; de sorte que rompant leurs rangs et leurs ordres, ils se mirent, les uns à galoper les fuyards, les autres à piller les chariots des Saxons, et braquer leur canon contre l’armée suédoise.
En même temps les régiments de Schoenberg, de Cronberg, et de Baumgarten prennent le reste des troupes de Saxe à dos, et commencent à les charcuter à plaisir.
Mais le bonheur voulut que les colonels Hebron et Hall commandés de soutenir les Saxons, s’avancèrent au galop, et chargèrent les Impérialistes bien à propos, enfonçant leurs bataillons, et donnant moyen aux Saxons de reprendre haleine, et se mettre en ordre derechef ; de sorte que ceux-ci tournant tête, les Impérialistes se virent investis et chamaillés de tous côtés, et maniés si rudement des Suédois et des Saxons tout ensemble, qu’ils laissèrent, et leurs vies, et leurs dépouilles aux victorieux. Steinach colonel Saxon, pris auparavant avec quatre de ses cornettes, pris alors son avantage, perça ses gardes, et eut encore sa part du combat.
Pendant cette mêlée, le Roy pousse vers le bois, ayant à ses étriers des troupes d’élite, jette à droite et à gauche nombre d’arquebusiers, pour donner aux flancs et le seconder. Lui même affronte la tête avec une vigueur admirable, jette la poussière dans les bataillons de Tilly, et leur trouble la vue. Et nonobstant que l’ennemi fit ferme, et diverses charges, la présence et l’œil du Roy obligèrent ses gens de donner tête baissée ; de sorte que divers escadrons ennemis couverts de feu et de sang commencèrent à branler, et peu après à tourner l’échine, hormis les régiments de Balderon, de Dietrichstein, de Gois, de Blankart, et de Chesuis, qui se rallièrent, gagnèrent la bordure d’un bois avantageux, et tournèrent tête pour réparer l’honneur de leurs compagnons. En effet c’est où la victoire fut disputée opiniâtrement, et sembla balancer longtemps, les Suédois ayant à faire à ces vieilles bandes de Tilly, qui n’avaient pas accoutumé de lâcher pied, et qui savaient non seulement garder leurs ordres, et tenir ferme, mais aussi se rallier promptement, et faire front partout. On y vit nombre de vieux soldats combattre de genoux, les jambes rompues, et ne quitter leur poste qu’avec la vie. La cavalerie et infanterie du Roy firent un devoir incroyable, résolus de vaincre, ou de mourir en la peine, chargeant l’ennemi, avec quelques salves, à coups d’épée, s’engageant dans les piques, et se mêlant si avant, qu’ils étonnèrent et ébranlèrent par une valeur extraordinaire, ceux qui n’avaient pas accoutumé de l’être. Tilly n’oublia rien pour rallier ses troupes. Pappenheim et Furstenberg de même tournèrent tête à diverses fois, recoignant les Suédois, remettant les leurs, et rendant la victoire douteuse. Mais ils trouvèrent de si rudes joueurs, qu’ils laissèrent une grande partie des leurs sur les carreaux, et le champ de bataille aux troupes royales. Et ce qui servit principalement à mettre l’ennemi en désordre fut la dextérité du Roy, qui poussant vers l’artillerie de Tilly, passa sur le ventre aux troupes qui en avaient la garde, et leur fit abandonner tout leur attirail. Le canon ennemi étant entre les mains du Roy, il lui fit changer de mire promptement, en perça les bataillons de Tilly, et les couvrit de feu et d’éclats. On n’y vit voler en l’air que bras et jambes, partout que de sang et de cadavres. Surtout les Crabbates (Croates) se sentant bourrés et charpentés de tous côtés lâchèrent le pied, n’étant pas accoutumés à une si rude mêlée, et se renversèrent sur leurs compagnons, donnant l’épouvante et le branle à ceux qui étaient encore en état de soutenir, hormis quelque peu d’escadrons qui se résolurent de mourir, et de disputer leur poste, et leur vie jusqu’au bout, plutôt que de tourner le dos à l’ennemi. C’est pourquoi le carnage y fut grand, et la victoire sanglante.
Le combat dura cinq bonnes heures, dès le midi jusqu’à l’entrée de la nuit, favorable à ceux qui ne pensaient qu’à la retraite. L’artillerie suédoise fut tellement échauffée pendant le combat à force de tirer, qu’on ne la pouvait plus charger, la poudre prenant feu incontinent ; tellement que le Roy de Suède, qui avait donné ordre à tout, et montré en cette bataille, aussi bien qu’ailleurs, un courage, une présence d’esprit, et une conduite du tout admirable, fit avancer ses pièces de cuir de nouvelle invention, s’en servit très-utilement, perça le plus épais des troupes ralliées, et de la cavalerie ennemie ; de sorte qu’elle quitta finalement la partie, et fit jour partout.
Le Roy voyant l’ennemi rompu, et dans la confusion, envoya à la queue des fuyards quelques troupes de ses régiments de réserve qui étaient frais, et n’avaient point combattu pour poursuivre sa pointe. Les plus tardifs à la fuite furent galopés, et beaucoup de ceux qui étaient soigneux de sauver leur butin aussi bien que leurs vies, eurent les jarrets coupés, et laissèrent aux Suédois leurs dépouilles. L’Electeur de Saxe aussi fit sonner le tocsin par tout le pays, pour arrêter ou assommer les Impérialistes.  En quoi il fut fidèlement obéi par ses paysans, et il ne fallait pas beaucoup de mandements pour leur en donner l’envie. Ce qui a augmenté de beaucoup le nombre de morts : tellement que non seulement le champ de bataille en a été jonché, mais tous les chemins à douze lieues à la ronde en ont été couverts.
Le combat fini, le Roy fit ses dévotions sur le champ de bataille pour une victoire si signalée, y amena l’Electeur de Saxe, lui demanda, Comme sa besogne lui agréait, protestant qu’il survivrait sa pointe vigoureusement, et persécuterait ce vieux corporal jusqu’au bout du monde.

Le Roy aussi fit ferme cette nuit sur le champ de bataille : mais le lendemain qui fut le 8 septembre, il se rendit devant Leipzig, gourmandé par une garnison de 3 000 hommes, et la somma de rendre la place."

Le Soldat Suédois : Histoire de ce qui s'est passé en Allemagne depuis l'entrée du Roy de Suède en 1630, jusques après sa mort. 1633.





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