vendredi 28 décembre 2012

Ravenne, 11 avril/april 1512

Here is an account of the battle of Ravenne (in french) according to G. de Berville (History of Pierre Terrail, lord of Bayard) :
See also a spanish account on the Tercios de Flandes' blog here



Histoire de Pierre Terrail, seigneur de Bayard (par G. de Berville) :
Au commencement de l’année 1510, Louis XII cédant aux prières de son neveu, Gaston de Foix, duc de Nemours, l’envoya faire ses premières armes en Italie, sous la conduite du sage et vaillant capitaine Louis d’Ars. Ce jeune prince honora du meilleur accueil les seigneurs français, et distingua surtout le Bon Chevalier sans peur et sans reproche, qu’en sa qualité de gouverneur du Dauphiné il connaissait particulièrement. Bayard éprouva la plus vive satisfaction à revoir son premier capitaine, et Louis d’Ars à retrouver son élève et son ami, grandi en gloire et en réputation. Son cousin, Soffrey Alleman de Molard, arriva quelques temps après avec la bande de 2000 gens de pied dauphinois que Louis XII, jaloux d’affranchir son royaume du tribut onéreux qu’il payait aux Suisses, avait confiés à l’expérience de ce brave capitaine. l’infanterie française n’avait été jusqu’alors composée que de « rustres, gens de sac et de corde ,» rassemblés au commencement, et licenciés à la fin de chaque campagne. la bande du capitaine Molard fut le premier corps national payé et entretenu sous les drapeaux, en paix comme en guerre. Louis s’appliquait à relever le service de l’infanterie, dont les Suisses avaient fait reconnaître la supériorité dans les guerres d’Italie, et que, par un ancien préjugé, la noblesse française regardait encore comme au-dessous d’elle. (…)
L’armée venue et campée devant Montselles, on commença à battre la place. Elle fut canonnée cinq jours de suite sans aucun fruit ; et si les gens qui la gardaient avaient eu autant de prudence que de valeur, elle eût arrêté l’armée fort longtemps ; mais les assiégés faisaient souvent des sorties, et les bons succès qu’ils eurent dans les premières, les rendirent plus audacieux et moins circonspects dans les suivantes. Les aventuriers de Molart allèrent un jour en plein midi les insulter ayant à leur tête le Baron de Montfaucon. Ils l’avaient déjà fait d’autres fois et ils avaient toujours été repoussés vigoureusement ; mais à ce dernier coup, les assiégés les repoussèrent si loin que la fatigue les rendit trop faible pour le retour. Les aventuriers s’en apercevant, retournèrent à la charge, et les chassèrent si vivement qu’ils entrèrent pêle-mêle dans la place. tout ce que purent faire ceux qui la gardaient, fut de se jeter et s’enfermer tous dans une tour pour se défendre ou composer ; mais les aventuriers impatients de les avoir et de butiner, mirent le feu à la tour, où la plupart se laissèrent brûler plutôt que de se rendre. d’autres voulurent se sauver en sautant par les créneaux, mais les barbares aventuriers les reçurent sur leurs piques, et très peu sauvèrent leur vie. les Français ne perdirent à cette action qu’un gentilhomme nommé Camican. le baron de Montfaucon y fut dangereusement blessé, mais il guérit enfin avec beaucoup de temps et de peine. (…)
(1512, siège de Brescia) Notre armée (commandée par Gaston de Foix, duc de Nemours) était de 6000 lansquenets, 8000 piétons français et 1300 lances (soit 3900 chevaux). (…) Le lendemain de la prise de la ville : Le lendemain Gaston entra de bonne heure dans le château avec toute son armée, et assembla tous ses capitaines en conseil de guerre. Il y fut conclu que l’affaire serait donnée le lendemain matin à huit heures ; que le seigneur d’Alègre avec 300 hommes d’armes à cheval garderait la porte de saint-Jean, pour empêcher que personne ne sortit de la ville. C’était la seule que les ennemis n’eussent point murée ; que le capitaine Mollart avec ses aventuriers conduirait la première pointe, précédé néanmoins de Herigoye et de ses gens pour escarmoucher ; qu’avec ces fantassins marcheraient à pied 150 hommes d’armes pour les soutenir. Et comme cette conclusion fut prise sur l’avis de Bayard, et que le péril de cette attaque était évident, il s’offrit à y conduire sa compagnie ; et que le capitaine Jacob marcherait ensuite avec ses 2000 lansquenets, les capitaines Bonet, Maugiron, le bâtard de Cleves avec leurs bandes ; et que toute cette infanterie aurait à ses côtés la gendarmerie à pied, l’armet en tête, et la cuirasse sur le dos. l’éclat d’un coup de canon blessa la Palisse à la tête ce soir-là, et l’empêcha d’être de l’assaut. (…)
Nos gens marchèrent comme on était convenu le jour précédent. Herigoye avec ses gens, Molart avec ses bandes, et sur leurs ailes le chevalier sans peur avec toute sa compagnie s’approchèrent du premier rempart, derrière lequel étaient les ennemis, et essuyèrent le feu de leur artillerie et de leurs arquebuses. Après avoir vigoureusement combattu de part et d’autre, les Vénitiens reculèrent un peu ; Bayard cria, dedans, mes compagnons, ils sont à nous ; et à l’instant il entra le premier, passa le rempart, et fut suivi par 1000 autres. Enfin ils emportèrent le premier fort ; mais notre chevalier y fut blessé dans le haut de la cuisse d’un coup de lance… Il dit à son ami Molart : compagnon, faites marcher vos gens, et ne vous mettez point en peine de moi. Il retint seulement deux archers qui le tirèrent un peu à l’écart en attendant mieux. (…) Molart devenu furieux de la perte de son ami (car il le crut mort) redouble de forces, et pousse les ennemis ; et secondé par ses gens et par les gendarmes de Bayard, il avance toujours et fait place aux autre troupes qui le suivent. A mesure qu’elles arrivent, la nouvelle de Bayard semble leur inspirer une espèce de fureur : Gaston même en l’apprenant en est irrité : Vengeons sur ces vilains, dit-il, la perte du plus parfait chevalier qui fût au monde.
(…) Nos gens entrèrent pêle-mêle avec eux, les chassant toujours jusqu’au milieu de la place. Là il fallut livrer un nouveau combat. Nos gens y trouvèrent la gendarmerie vénitienne et leurs chevaux légers à cheval, et leur infanterie bien rangée. le capitaine Bonet sort de sa troupe la longueur d’une pique, et charge les ennemis ; sa troupe le suit et fait merveille ; les lansquenets et nos aventuriers poussent vigoureusement, percent les bataillons, et tuent tout ce qui s’oppose à leur passage. (…)
(1512 - Bataille de Ravenne) Ce jour-là même après dîner le duc de Nemours assembla tous les capitaines chez lui (…). Dès le soir on dresserait un pont de bateaux pour passer l’infanterie et les canons de bon matin ; que les lansquenets et les gens de pied de Molart, Bonnet, Maugiron, Grandmont, Bardassan et autres capitaines de nos vieilles bandes marcheraient tous en corps au nombre de 6000 ; que les 2000 gascons du capitaine Odet d’Aydie et du cadet de Duras se posteraient à leurs côtés, et que tous ensemble seraient à la portée du canon des ennemis, notre artillerie devant eux, avec laquelle ils tâcheraient de les déloger ; qu’à leurs côtés seraient le duc de Ferrare et La Palisse chefs de l’avant-garde avec leurs gendarmes ; Louis de Brézé grand sénéchal de Normandie, Pierre d’Urfé grand écuyer, Humbercourt, Adrien de Brimeu, la Crote et Theodore Trivulce, qui faisaient en tous 800 hommes d’armes ; qu’au dessus d’eux, vis à vis serait posté le duc (de Nemours) avec sa compagnie d’ordonnance et auprès de lui le seigneur d’Alègre, le capitaine Louis d’Ars, Bayard etc. avec 500 hommes d’armes ; que les 4000 fantassins italiens commandés par les comtes Nicole et Francisque Scot, le marquis de Malépine et autres demeureraient au deçà du pont pour arrêter ceux qui pourraient sortir de Ravenne ; et que le bâtard du Fay déclaré chef de tous les Guidons (et archers) garderait, au pont au delà jusqu’à ce qu’il fut mandé.
On marcha le lendemain matin comme il avait été ordonné. Déjà les lansquenets occupaient le pont et passaient lorsque le courageux Molart, ennuyé d’attendre si longtemps, et désirant l’honneur de passer le premier, dit à ses soldats : comment, compagnons, nous sera t-il reproché que les lansquenets soient passés du côté des ennemis avant nous ; et à l’instant il se jette dans l’eau chaussé et vêtu comme il était, et passe l’autre rive du Ronco suivi de tous ses braves aventuriers, avant que la moitié des lansquenets ne fussent passés. Pendant que l’infanterie passait de cette sorte, Gaston accompagné de 20 seigneurs, Lautrec, d’Alègre, Bayard et autres se promenaient à cheval sur le bord de la rivière, vis à vis de plusieurs Espagnols qui faisaient de même de l’autre côté. Gaston se  pouvait reconnaître facilement parmi les autres par la beauté et la splendeur de ses armes et de sa veste. Il était armé de toutes pièces, excepté de l’armet, et par dessus il avait une veste richement brodée aux armes de Navarre et de Foix. il avait un air riant, les yeux plein de feux, et quasi étincelant de joie. Quand il fut dans un certain endroit de sa promenade, il dit à Bayard : nous sommes ici en belle butte, des arquebusiers cachés à l’autre bord nous choisirons à leur aise. Bayard s’avança trente pas, et dit aux Espagnols qui étaient à cheval de l’autre côté : Messieurs, vous vous promenez comme nous en attendant que le beau jeu commence : je vous prie que l’on ne tire point de coups d’arquebuse de votre côté, et l’on ne vous en tirera point du nôtre. Pedro Dupas chez de tous les génétaires prit la parole, se nomma, et demanda le nom de celui qui parlait, qui ne manqua pas de le dire ; et Dupas ravi de voir Bayard qu’il estimait, lui fit des compliments d’honnêteté, d’estime et d’amitié, auxquels le chevalier ne manqua pas de répondre. (…)
En marchant, d’Alègre et Bayard qui étaient aux côtés de Gaston, lui montrèrent l’avant-garde de la cavalerie des ennemis, commandée par Fabrice Colonne, qui était postée à découvert. Ces gens là, dirent-ils, sont en belle vue ; deux pièces d’artillerie placées ici les incommoderaient furieusement. Il faut, dit le Duc, en faire amener deux et les y placer. D’Alègre partit et les fit amener et braquer. Cela fait, ils passèrent la rivière au gué et trouvèrent leur infanterie et une partie de la Gendarmerie déjà en bataille, de la manière que nous dirons, quand nous aurons décrit l’ordre de bataille des ennemis qui fut réglé par Pierre de Navarre, dont les avis furent regardés var le Vice-Roi comme des oracles.
Toute leur armée était rangée le long de la rivière qu’ils avaient à gauche. Leur avant-garde commandée par Fabrice Colonne, et postée sur les bords du Ronco, était de 800 hommes d’armes, qui avaient à leur droite un bataillon de 6000 fantassins. Derrière eux étaient le corps de bataille commandé par le Vice-Roi et le marquis de la Palude. Il n’y avait que 600 lances et 4000 fantassins postés comme l’avant-garde ; c’est à dire, les lances sur le bord de l’eau, et les fantassins à leur droite. Derrière les lances il y avait 600 hommes d’armes commandés par Carvajal espagnol, et à leur droite un bataillon de 4000 fantassins. Toute la cavalerie légère commandée par Ferrand d’Avalo marquis de Pesquaire, jeune alors, mais d’une grande espérance, était à côté de l’infanterie pour courir au secours de ceux qui en auraient besoin. leur camp était environné d’un fossé, qu’ils avaient fait le plus large et le plus profond qu’ils avaient pu, excepté un espace de 20 brasses de largeur, qu’ils avaient laissé pour servir de passage à leur cavalerie. Leurs canons étaient dressés à la tête de leur gendarmerie, et sur les fossés qui défendaient l’infanterie, il y avait de petits chariots armés, les uns de grandes pièces de fer tranchant des deux côtés, et les autres de deux arquebuses à croc. Ceci était une invention de Pierre de Navarre qui avait choisi 500 soldats pour les conduire, afin de défendre l’entrée des Français dans leur camp, et il était lui-même à la tête de cette manoeuvre, dans laquelle il avait tant de confiance qu’il espérait par là avoir seul l’honneur de la victoire, sans que la cavalerie y eût aucune part ; mais le succès n’en fut pas heureux ; et ces chariots ne servirent de rien, si ce n’est peut-être à faire perdre la bataille. Car Fabrice Colonne et d’autres capitaines étaient d’avis de disputer aux Français le passage de la rivière, qui valait mieux, disait-il, que de petits fossés ; mais Navarre entêté de ses chariots voulut qu’on laissât venir nôtre armée, et que même la gendarmerie ne branlât pas de son poste sans un ordre exprès du Vice-Roi.
Nos troupes ayant passé la rivière à demi-lieue du camp des Espagnols, se rangèrent à proportion de ceux-ci. La gendarmerie de nôtre avant-garde avait la rivière à sa droite, et l’infanterie à sa gauche. Le reste de nos troupes était placé de même, en sorte néanmoins que le terrain qu’elles occupaient leur donnait la forme d’un croissant. Gaston se mit à part avec sa troupe vis à vis et au dessus de son avant-garde, pour mieux découvrir tout ce qui se ferait, et pour secourir ceux qui auraient besoin de secours. Aussitôt que les deux armées furent en présence, elles se saluèrent à grands coups de canons. Celui des ennemis tua plus de 2000 de nos fantassins dès le commencement du combat : deux vaillants capitaines qui étaient à leur tête, Molart et Friberg, furent tués d’un seul coup. Le nôtre ne fit que tirer en l’air, Pierre de Navarre ayant fait mettre son infanterie ventre à terre ; mais d’autre côté la couleuvrine et le canon que d’Alègre avait fait poster désolèrent leur gendarmerie. Fabrice Colonne assura depuis qu’un seul coup lui avait emporté 33 hommes d’armes. Coup sur coup il envoya divers messages au Vice-Roi pour lui représenter la ruine de sa gendarmerie, et lui demander de sortir de ce malheureux poste, et de charger les Français ; mais toujours entêté de l’avis de Pierre de Navarre, il refusa opiniâtrement cette permission. À la fin Colonne voyant continuer la destruction de ses hommes d’armes dont 300 étaient déjà tués ou blessés, enragé contre Navarre, il se mit à crier : faut-il que nous nous fassions massacrer si honteusement par l’opiniâtreté et la malice d’un Marrane ? Verrons nous périr toute cette armée sans tuer un ennemi ? et l’honneur de l’Espagne et de l’Italie se perdra-t-il aujourd’hui par ce Navarrais ? Et sans attendre davantage une permission qu’on lui refusait, il sort de son poste suivi de ses hommes d’armes pleins de furie comme lui ; et toute la cavalerie qui était derrière les suivit aussi. Pour se garantir de l’artillerie, ils se détournèrent du droit chemin qui les menait à notre avant-garde, et tirèrent à notre corps de bataille où était le duc de Nemours accompagné de peu de gens, comme nous l’avons dit. Lui et sa troupe furent ravis d’avoir les premiers honneurs de la bataille, et s’avancèrent la visière baissée. Bayard voyant qu’ils se partageaient en deux, dit : Monseigneur, ils veulent nous enfermer, mettons-nous en deux escadrons comme eux. En s’abordant, chacun d’eux fit les cris de guerre ordinaires, et parce que les Espagnols criaient “a os cavallos, a os cavallos”, les français crièrent “aux chevaux, aux chevaux”, et chacun d’eux ne visait qu’aux chevaux, parce qu’un homme d’arme démonté ne servait plus à rien. Leur combat dura une demie heure, prenant de temps en temps haleine les uns devant les autres pour se recharger de nouveau. Pendant un de ces courts intervalles, d’Alègre se détacha et courut à l’avant-garde demander du secours, parce que les Espagnols étaient deux contre un. les premiers qu’il trouva furent les archers de la garde, et la compagnie de Robert de la Mark, dont la devise était blanc et noir. il leur cria donc de toute force, blanc et noir, marche, marche, archers de la garde, à moi, à moi. ils marchèrent tous à bride abattue, et en arrivant, ils chargèrent les Espagnols avec furie. Les archers de la garde avaient tous de petites coignées à l’arçon de la selle dont ils faisaient leurs loges : ils les prirent en main pour frapper plus rudement les ennemis. Chaque coup de coignée en tombant sur l’armet, étourdissait au moins son homme, et un second achevait de l’assommer ou de le mettre hors de combat. il en demeura 3 ou 400 sur la place entre deux fossés, et le reste fut forcé d’abandonner le camp. tout le monde voulait poursuivre les fuyards ; mais Bayard et Louis d’Ars prièrent instamment le Duc de demeurer où il était, et de rassembler là sa gendarmerie : pour nous, ajouta Bayard, nous allons chasser les fuyards, et les empêcher de se mettre derrière leur infanterie.
Pendant que la gendarmerie était aux mains, les 2000 gascons soutenus des 1000 piquiers allèrent lâcher leurs traits sur la queue des Espagnols pour les faire se lever. ceux-ci toujours couchés le ventre à terre se sentant piqués, se levèrent. Deux enseignes de 600 hommes chacune sautèrent leur fossé, repoussèrent vivement les Gascons, et passèrent et repassèrent tous au travers : Moncaure capitaine des piquiers, Desbories lieutenant d’Odet, celui de Duras, et d’autres furent tués sur place. Pendant que ceux-ci se battaient encore, Pierre de Navarre voyant que la gendarmerie était encore aux mains, fit lever le reste de son infanterie sur leur fossé, où les lansquenets et les Français les attaquèrent avec grande furie. Le brave capitaine Jacob de Emps y fut tué d’un coup d’arquebuse au travers du corps ; Fabien de Schlabersdorf l’un de ses capitaines, homme des plus grands et des plus robustes que l’on ait vu, ne songea qu’à venger son maître. les Espagnols pour empêcher l’entrée de leur fort, avaient croisé leurs piques, non deux à deux, mais en gros faisceaux : il donna un si furieux coup de la sienne sur ce hoc de piques, qu’il le fit baisser en terre, et les y retint malgré eux autant de temps qu’il fallait à nos Français pour entrer dans le fossé, et s’y faire un passage à la pointe de l’épée. Les Espagnols s’y battaient comme des enragés ; ceux qui n’avaient plus de bras se jetaient sur leurs ennemis à belles dents, et les mordaient. Grandmont, Maugiron et Bardassan furent tués à cet assaut, et Bonnet y reçut un coup de pique dans le front où le fer lui demeura; les Espagnols auraient encore résisté fort longtemps si la gendarmerie de nôtre avant-garde ne les eût pris par les flancs. Ils furent tous massacrés, exceptés Pierre de Navarre et quelques autres capitaines que l’on fit prisonniers.
Le Vice-Roi ayant vu la déroute de la gendarmerie de son avant-garde, avait aussi prit la fuite sans combattre ; Carvajal l’avait suivi avec sa troupe, et le marquis de la Palude, qui était allé à la charge avec un escadron par des chemins couverts, fut mis en désordre, et puis entièrement défait par des arquebusiers qui le tiraient à travers des haies. il ne restait donc plus rien à défaire de toute l’armée ennemie que ces deux compagnies de fantassins espagnols qui avaient si vivement combattu et défait nos Gascons. Elles gagnaient Ravenne toujours serrées et en bon ordre, lorsque par malheur pour nous, elles rencontrèrent le bâtard du Fay avec tous les Guidons et archers qu’il conduisait. Cette rencontre les fit retourner en arrière et rentrer sur une chaussée fort étroite, où il ne pouvait passer que quatre de front. Du Fay et ses archers ne se mirent pas en peine de les poursuivre, car ils couraient à la grosse affaire qu’ils ne croyaient pas encore finie. cependant, quelques-uns des Gascons fuyards, et toujours effrayés, passèrent auprès du duc de Nemours qui leur demanda ce que c’était que ces gens-là sur la chaussée ; ce sont, dirent-ils, les Espagnols qui nous ont défaits. le jeune Prince croyant que c’était la plupart de son infanterie qui était défaite, plein de coeur et de furie, court à ces gens, sans regarder qui le suivait. Il n’avait avec lui que quelques gentilshommes qui le suivirent. ils poussèrent sur la chaussée, mais ne pouvant s’y remuer, ils furent tous tués à coups d’arquebuses et de piques, ou renversés dans le canal ou dans le fossé qui étaient à droite et à gauche; le Duc y fut tué de quatorze coups, après s’être défendu courageusement à chevalet à pied. Lautrec y fut dangereusement blessé, Viverots digne fils du seigneur d’Alègre, tomba dans le canal et fut noyé. Les espagnols reprirent leur chemin sur la chaussée qui avait plus de trois lieues de long. À deux lieues du camp ils rencontrèrent Bayard qui revenait de la chasse avec 40 hommes bien fatigués. Un capitaine espagnol s’avança à lui et dit : seigneur, que voulez-vous faire ? contentez-vous du gain de la bataille et laissez-nous la vie que Dieu nous a sauvée : volontiers, répondit le chevalier, mais donnez-nous vos enseignes. On les lui donna ; ils s’ouvrirent, et il passa avec ses gens au milieu d’eux.
Il était quatre heures du soir quand Bayard et tous ceux qui venaient de poursuivre les fuyards arrivèrent au camp ; et le combat avait commencé à huit heures du matin.

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